À la vitesse de la lumière vers l’ignorance

Dans un monde où la science progresse à une vitesse fulgurante, certains persistent à chercher dans les textes anciens une validation des découvertes modernes. Cette course effrénée vers une confirmation divine des avancées scientifiques ne fait que masquer une profonde méprise sur la nature du savoir et de son évolution. Plutôt que de célébrer la pensée critique et l’accumulation du savoir humain, cette approche nous entraîne paradoxalement vers une ignorance structurée, où la foi cherche à supplanter la raison.

L’illusion du savoir préexistant

Qui n’a jamais entendu l’un de ces discours triomphalistes d’oulémas proclamant que toute découverte scientifique moderne était déjà présente dans les textes sacrés ? Ces affirmations résonnent comme une victoire, une preuve incontestable que la vérité ultime était révélée bien avant que les scientifiques occidentaux ne la découvrent. « Regardez, chers musulmans, cette vérité était déjà dans le Coran ! » proclament-ils, convaincus d’une vérité absolue.

Pourtant, il est aisé de revendiquer une précédence lorsque la vérité est déjà établie. C’est ainsi que certains peuvent prétendre que les dessins préhistoriques démontrent une connaissance immémoriale de la rotondité de la Terre. De même, les récits mythologiques et les textes anciens sont parfois interprétés comme des prémonitions des découvertes scientifiques contemporaines.

Des interprétations forcées et erronées

Prenons l’exemple de l’atome. Les philosophes grecs avaient déjà formulé l’idée d’une particule indivisible, mais cette conception n’a rien à voir avec l’atome tel que défini par la science moderne. De même, l’évocation de l’atome dans le Coran ne correspond en rien à la réalité physique actuelle. Ce qui était autrefois perçu comme l’unité fondamentale de la matière est aujourd’hui dépassé par une connaissance plus fine, révélant une structure encore plus complexe.

Autrement dit, seule la terminologie a survécu à travers les siècles, mais les concepts ont évolué. Prétendre que les anciens avaient déjà la connaissance que nous possédons aujourd’hui relève d’une ignorance de l’histoire des sciences et de l’évolution de la pensée humaine.

La comparaison biaisée entre science et religion

Les tentatives de réconciliation entre la religion et la science moderne, à travers des ouvrages tels que « Le Coran et la science » ou « L’Évangile et la science », ne sont qu’une manifestation d’une tension interne chez leurs auteurs. D’un côté, ils reconnaissent l’importance de la science, de l’autre, ils sont prisonniers d’un héritage culturel et religieux qui peine à évoluer.

En cherchant à démontrer l’harmonie entre le divin et les lois de la physique, ces essais ignorent un principe fondamental : la science est dynamique et sujette à révision permanente.

Une théorie acceptée aujourd’hui peut être démentie demain. En ce sens, vouloir valider la religion par la science revient à l’assujettir à un savoir en perpétuel changement, risquant ainsi de fragiliser les textes qu’ils souhaitent défendre.

Une stratégie contre-productive

Ce besoin de validation scientifique finit par desservir la religion elle-même. En effet, si les lois de la physique venaient à évoluer au point de contredire certaines croyances, les croyants se retrouveraient face à un dilemme insoluble. L’histoire européenne illustre bien ce phénomène : la confrontation entre la science et la théologie a abouti à une séparation nette entre la foi et la raison.

Si certains tiennent à préserver l’authenticité de leur croyance, mieux vaut ne pas tenter de la justifier par la science. Car en la soumettant aux critères de la rationalité, ils prennent le risque de la voir déconstruite par les découvertes futures.

L’émancipation de la pensée humaine

L’idée que « les anciens savaient tout et les modernes ne font que redécouvrir » est un leurre. La responsabilité intellectuelle impose de reconnaître l’autonomie de la pensée humaine et son évolution constante. L’Homme du passé était soumis à des croyances dictées par l’ignorance et la peur, tandis que l’Homme moderne est appelé à se baser sur la raison et l’expérimentation.

Nous croyons que Dieu sait tout, mais nous ne pouvons le prouver. En revanche, nous savons que l’Homme ne sait rien, et pourtant il est capable d’apprendre et d’évoluer. Plutôt que de rechercher dans les textes anciens une prédiction des découvertes actuelles, mieux vaut reconnaître que la connaissance est le fruit d’un processus humain en constante progression.

Conclusion : Une quête de vérité biaisée

L’amalgame entre science et religion, bien que séduisant pour certains, repose sur une illusion intellectuelle dangereuse. En cherchant à prouver la validité des textes religieux à travers les découvertes scientifiques modernes, on ne fait que trahir à la fois l’essence de la science et celle de la foi.

La science évolue, se remet en question et se construit sur la preuve et l’expérimentation. La religion, quant à elle, repose sur la croyance et l’adhésion à des vérités immuables. Vouloir les concilier en forçant des interprétations anachroniques conduit à une impasse intellectuelle et à une distorsion de l’histoire.

Plutôt que d’imposer aux découvertes humaines une validation religieuse, il serait plus pertinent d’accepter la nature propre de chaque domaine : la science pour comprendre le monde matériel et la religion, pour ceux qui y adhèrent, comme une quête spirituelle personnelle. L’important est d’adopter une approche critique et rationnelle, afin que l’humanité progresse en connaissance, sans être entravée par des lectures biaisées du passé.

Massin Kevin Labidi

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